Démystifier l'IA

On pense parfois que l’intelligence artificielle est une technologie récente, mais c’est en 1956 que l’expression « intelligence artificielle » a été proposée pour la première fois par une équipe de chercheurs américains. En fait, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, on tente de décrire et de reproduire les mécanismes d’apprentissage humain dans le but de créer une machine qui peut penser.

Mais même si une telle machine n’existe toujours pas aujourd’hui, l’intelligence artificielle a permis des avancées importantes, par exemple en traduction automatique, en reconnaissance vocale et en reconnaissance d’images. Ce qu’on ignore parfois, c’est que l’intelligence artificielle est omniprésente dans notre quotidien, que ce soit dans les moteurs de recherche sur le web, dans les systèmes de recommandation des réseaux sociaux, dans les assistants vocaux ou dans nos GPS. Tout cela, c’est de l’intelligence artificielle. Le saviez-vous?

En novembre 2022, le lancement de ChatGPT, un outil d’intelligence artificielle qui permet de générer du langage humain à partir de n’importe quelle question, et avec lequel on peut converser, a créé une réelle surprise, notamment à cause de sa performance impressionnante. Mais cet agent conversationnel n’a pas l’apparence d’un robot humanoïde, à l’image de l’intelligence artificielle telle qu’on nous la présente en science-fiction au cinéma ou dans la littérature.

À quoi ressemble-t-il, alors?

L’interface de ChatGPT est très simple : une boite de saisie permet d’inscrire une phrase ou une question, et la réponse, sous la forme d’un texte cohérent, est produite presque instantanément sous nos yeux. L’outil est d’une facilité d’utilisation, d’une rapidité et d’une performance déconcertantes.

Pourquoi cet intérêt inédit?

Sans surprise, depuis la diffusion de ChatGPT et d’autres outils d’intelligence artificielle similaires, les possibilités et les transformations anticipées font l’objet de publications quotidiennes dans les médias. Si l’intelligence artificielle n’est pas une technologie nouvelle, ce qui est nouveau, toutefois, c’est sa performance inédite et la démocratisation de son accès. Pour la première fois, des outils d’intelligence artificielle générative sont accessibles gratuitement au grand public, à partir d’appareils technologiques que nous utilisons dans notre quotidien (ordinateur, tablette, téléphone).

Est-ce que cet intérêt inédit explique pourquoi on doit se mobiliser à vitesse grand V?

De toutes les applications disponibles sur le web, ChatGPT a connu l’adoption la plus rapide : un million d’utilisateurs en 5 jours. Plusieurs autres outils d’intelligence artificielle générative sont en développement, et on peut anticiper que les effets de la mise en marché de ces produits seront importants dans différents domaines d’activité, y compris celui de l’enseignement supérieur.

Que craint-on exactement?

En enseignement supérieur, l’usage de l’intelligence artificielle générative s’est répandu, éveillant certaines craintes, notamment auprès du personnel enseignant. On craint, avec raison, que les personnes étudiantes utilisent ChatGPT ou d’autres outils d’intelligence artificielle générative pour générer du contenu textuel dans le cadre de leurs évaluations. Certains craignent aussi que le recours à l’intelligence artificielle en vienne à miner la créativité ou à alimenter une certaine paresse intellectuelle. La disponibilité des outils d’intelligence artificielle générative suscite un ensemble de questions sur l’intégrité intellectuelle, la propriété intellectuelle et le plagiat.

L’intelligence artificielle offre des avantages considérables, mais elle présente également des défis importants qui nécessitent de passer à l’action de façon prompte et éclairée. Pour mieux saisir les répercussions à venir, tant dans les pratiques éducatives que dans les pratiques organisationnelles, il faut avoir une compréhension commune de l’intelligence artificielle. C’est ce que nous démystifierons dans les prochaines minutes.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle?

L’intelligence artificielle est un large domaine d’études. Ce domaine englobe le développement de systèmes capables de simuler les facultés cognitives qu’on attribue habituellement aux humains comme se déplacer, percevoir, planifier et agir sur le monde.

Une des branches de l’intelligence artificielle est le traitement du langage naturel, qui vise à permettre aux machines de « comprendre » et d’interpréter le langage humain. Cette branche inclut les grands modèles de langage, conçus pour analyser et traiter le texte ou la parole, et pour y réagir, de manière similaire à un être humain.

C’est la spécialité de ChatGPT, un outil d’intelligence artificielle qu’on dit « générative » puisqu’il est en mesure de résumer, de traduire, de générer du texte cohérent adapté à différents contextes. C’est ce à quoi réfère le G de GPT : Generative.

Comment fonctionne l’intelligence artificielle générative, exactement?

Prenons l’exemple de ChatGPT, le modèle de langage le plus répandu, bien qu’il en existe plusieurs autres. À la base de cette technologie se trouve un imposant corpus de données. Cette technologie a été entrainée à partir d’une très grande quantité de données : par exemple, des pages web, des articles de journaux, des livres, des romans, des revues scientifiques, tout ce qui est disponible sur Internet…

Ensuite, une équipe humaine entraine l’outil pour qu’il « apprenne » et puisse traiter ces données. Comment les mots s’enchainent-ils dans les différents textes? C’est ce que l’outil va analyser, de manière à pouvoir répondre aux questions qu’on lui pose. C’est le P de GPT : Pre-trained.

Enfin, ChatGPT utilise différentes techniques pour créer de nouveaux contenus à partir des questions qui lui sont soumises sur une variété de sujets. Quand on lui demande de compléter une phrase ou de répondre à une question, il va décomposer la demande pour la comparer avec ses données d’entrainement.

Est-ce que les réponses qu’il fournit sont toujours pertinentes et de qualité?

Mais attention. ChatGPT n’est pas programmé pour donner la réponse la plus exacte : il est programmé pour fournir la séquence de mots la plus probable comme réponse à la question de l’utilisateur en fonction du contexte donné.

En outre, la qualité et la fiabilité des réponses fournies par ces logiciels peuvent varier : elles dépendent de la qualité des données d’entrainement et de la complexité de la question.

L’intelligence artificielle générative peut aussi donner lieu à des résultats erronés.

Enfin, il ne faut pas oublier que les modèles d’intelligence artificielle générative peuvent également générer du contenu visuel, audio ou vidéo.

Faisons une démonstration qui pourra illustrer les possibilités que permettent les outils d’intelligence artificielle générative tels que ChatGPT.

Prenons un exemple :

Donne-moi 7 exemples concrets d’utilisation de ChatGPT dans une institution d’enseignement supérieur. Présente-moi le tout sous forme de tableau : une colonne pour le personnel enseignant, une autre pour tout le personnel à l’emploi.

Avec de telles propositions, vous comprenez sans doute maintenant mieux l’engouement qui s’est rapidement installé autour de cet outil! Utiliser ChatGPT lorsqu’on rédige permet de générer une ébauche que l’on pourra par la suite ajuster, compléter et peaufiner.

On peut parfois avoir l’impression que le travail est fait à notre place, comme si on avait une baguette magique, mais attention, il ne faut pas oublier que certains contenus peuvent être erronés et qu’il faut utiliser notre jugement critique dans l’appréciation de la réponse qu’on nous donne, et aussi éviter d’entrer des données personnelles, car leur protection pourrait être compromise.

Voyons un 2^e exemple :

J’aimerais expliquer simplement à mes collègues pourquoi il est important d’utiliser l’intelligence artificielle générative de manière éthique et responsable en contexte d’enseignement supérieur. Présente-moi 5 raisons suivies de 5 conseils.

Remarquez que la demande a été formulée en précisant trois informations à ChatGPT : le contexte, la tâche et le format.

• Le contexte, c’est détailler votre problème.
• La tâche, c’est ce que vous souhaitez que l’intelligence artificielle génère pour vous.
• Le format, c’est comment vous souhaitez obtenir l’information.

À la suite de cette démonstration, vous constaterez que ces outils d’intelligence artificielle générative peuvent transformer plusieurs tâches relatives à la rédaction. Ils bouleversent aussi de manière significative la façon dont nous évaluons les performances des étudiants.

Certes, l’intelligence artificielle soulève de grandes questions pour lesquelles nous n’avons pas (encore) tous les éléments de réponse. Par exemple, si un étudiant utilise l’intelligence artificielle générative, fait-il preuve d’inconduite académique? On peut se demander aussi si certaines évaluations demeurent pertinentes dans un contexte de démocratisation de l’intelligence artificielle générative.

De crainte que l’intelligence artificielle générative ne facilite la tricherie et le plagiat, certaines institutions ont tenté d’interdire cette technologie au sein de leur établissement. Mais force est de constater qu’ignorer l’accessibilité à l’intelligence artificielle n’est plus une option envisageable.

La prudence est certainement de mise, mais les possibilités que laisse envisager l’intelligence artificielle en éducation ne peuvent être ignorées. Plusieurs évoquent que l’accent devrait davantage être mis sur l’éducation aux possibilités que permet l’intelligence artificielle ainsi qu’aux enjeux que suscite sa démocratisation. D’autres pensent que cette technologie a le potentiel non seulement de favoriser l’accès à l’éducation, mais aussi de permettre un apprentissage adapté et personnalisé.

Que retenir de tout cela?

L’intelligence artificielle est déjà partout et de plus en plus intégrée dans nos différentes sphères d’activité. Les récentes avancées en intelligence artificielle permettent des possibilités nouvelles et inédites. Même si, dans sa forme actuelle, l’intelligence artificielle est développée pour traiter des données et effectuer des tâches spécifiques et qu’elle est dénuée de conscience, d’intentions ou d’émotions, elle réalise maintenant plusieurs tâches qu’on croyait jusqu’à récemment réservées aux êtres humains.

L’intelligence artificielle fait désormais partie du paysage éducatif et elle va teinter le milieu de l’enseignement supérieur. Elle sera vraisemblablement intégrée aux logiciels de bureautique usuels et exigera des aménagements à nos pratiques d’enseignement et d’évaluation. Au cours des années à venir, de plus en plus de produits et de services éducatifs qui feront appel aux outils d’intelligence artificielle seront offerts aux établissements d’enseignement.

L’intelligence artificielle générative suscite des réflexions sur nos manières de penser l’enseignement, l’acquisition des savoirs et des compétences. L’intelligence artificielle soulève des questions légitimes et essentielles, des enjeux éthiques et des risques, mais elle suscite aussi de grandes attentes pour le milieu de l’enseignement supérieur.

Les nouvelles possibilités sont nombreuses pour la pédagogie, la réussite et la persévérance étudiante. Et c’est ce que nous aborderons dans la prochaine capsule de formation.