Démystifier l'IA

Les outils d’intelligence artificielle générative ont suscité un intérêt marqué et rapide dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage, bien plus que la plupart des autres technologies. L’intelligence artificielle présente un réel potentiel pour l’avenir de l’enseignement supérieur.

Un consensus se dégage sur le fait que l’intelligence artificielle pourrait contribuer à :

• améliorer l’efficacité et la qualité du travail humain;
• développer ou améliorer des outils pédagogiques personnalisés ou adaptatifs;
• faciliter le processus d’apprentissage;
• identifier des étudiants à risque d’échec.

Comment l’intelligence artificielle peut-elle être mise au service de l’enseignement supérieur? C’est ce que nous aborderons dans cette capsule.

Voyons tout d’abord quelques possibilités pédagogiques offertes par l’intelligence artificielle en enseignement supérieur.

D’emblée, soulignons que l’intelligence artificielle ne remplacera pas le personnel enseignant, qui demeure un acteur clé de l’enseignement et de l’apprentissage. L’intelligence artificielle ne devrait être qu’une stratégie complémentaire pour soutenir la pédagogie.

Les potentiels d’utilisation de l’intelligence artificielle au sein de notre institution vont vous être présentés en trois temps, à savoir ceux s’adressant :

• au corps professoral pour améliorer des aspects pédagogiques;
• au personnel pour soutenir les étudiants dans leur projet d’études;
• au niveau organisationnel pour des fins de gestion interne et d’administration.

Comment l’intelligence artificielle générative peut-elle faciliter la conception des cours?

Tout d’abord, l’intelligence artificielle générative peut être utilisée comme un outil d’aide à la conception d’un cours dans une variété de domaines disciplinaires. Ainsi, l’intelligence artificielle générative peut soutenir le corps professoral pour organiser la matière dans un cours spécifique, planifier la séquence d’enseignement, créer des activités d’apprentissage (questionnaires, mises en situation) et améliorer des outils pédagogiques existants ainsi que des grilles d’évaluation.

L’intelligence artificielle générative fournit une base sur laquelle les professeurs peuvent créer/concevoir. Elle peut être une occasion d’expérimenter ou de bonifier des pratiques pédagogiques.

Comment l’intelligence artificielle générative peut-elle faciliter l’évaluation fréquente des progrès des étudiants?

Les questions d’évaluation formative ne sont pas notées, mais elles permettent aux étudiants de savoir s’ils progressent bien dans un cours donné, ce qui les soutient dans l’autonomie et la discipline nécessaires aux études supérieures, notamment en formation à distance.

Sur la base du matériel pédagogique d’un cours, des applications d’intelligence artificielle peuvent générer des questions qui permettront aux étudiants de se pratiquer avant les examens. Ces questions, accessibles sur n’importe quel appareil, selon la préférence des étudiants, pourront faire l’objet d’un contrôle de qualité par les professeurs :  Sont-elles justes et pertinentes? Répondent-elles aux cibles d’apprentissage?

La rétroaction immédiate permet par ailleurs aux étudiants de mieux intégrer les nouvelles connaissances et d’être en mesure de les mobiliser au moment opportun.

Bien sûr, utiliser un outil d’intelligence artificielle générative pour rédiger la structure d’un cours et son contenu n’offre pas une solution prête à l’emploi, mais constitue un point de départ efficient pour réfléchir à des contenus plus justes et adaptés au contexte.

Ces pratiques pédagogiques améliorées par l’intelligence artificielle offrent des possibilités pour rendre l’apprentissage plus engageant et accessible.

Comment l’intelligence artificielle générative peut-elle fournir une aide de première ligne aux étudiants?

Toujours du côté de l’enseignement, nous vous proposons de faire une incursion du côté des agents conversationnels.

Jusqu’à présent très peu utilisés dans le secteur de l’éducation, les fameux « chatbots » alimentés par l’intelligence artificielle tendent à vouloir démontrer leur utilité en enseignement supérieur. Contrairement à ChatGPT, qui est entrainé sur un gigantesque volume de textes Web, il s’agit de baliser l’entrainement d’une intelligence artificielle générative en lui fournissant le matériel pédagogique qui est utilisé dans un cours spécifique.

L’agent conversationnel devient donc un « assistant de cours » favorisant une interaction plus dynamique entre l’étudiant et son matériel pédagogique. Cela permettrait de répondre à ses questions de compréhension et de le soutenir dans ses apprentissages, ce qui est crucial dans un contexte de formation à distance. Cette « aide de première ligne » améliorerait l’expérience et la réussite des étudiants, qui pourraient valider leurs questionnements à un moment où le personnel enseignant pourrait ne pas être disponible pour répondre à leurs questions.

L’entrainement d’un outil conversationnel nécessitera toujours une intervention humaine pour vérifier, par exemple, la qualité des réponses fournies par l’agent conversationnel. Par ailleurs, il est possible que l’outil donne des mauvaises réponses ou des réponses qui ne sont pas parfaitement compréhensibles pour l’étudiant. Ce dernier devra, en cas de doute, toujours valider auprès de la personne responsable de son encadrement.

Générer des idées pour concevoir un cours, soutenir l’évaluation formative et offrir une aide de première ligne aux étudiants : telles sont des utilisations possibles de l’intelligence artificielle générative en contexte d’enseignement supérieur.

Examinons maintenant deux autres utilisations susceptibles d’être mises en place par le personnel pour soutenir les étudiants dans leur projet d’études.

Comment l’intelligence artificielle peut-elle prévenir l’échec et réduire l’abandon?

L’intelligence artificielle est déjà mise à l’essai comme outil de prédiction de réussite scolaire au Québec. Pour développer un tel service, il est nécessaire de colliger plusieurs données, comme des données comportementales issues de la navigation dans un environnement numérique d’apprentissage, des données sociodémographiques et des données socioéconomiques.

L’intelligence artificielle est ensuite utilisée pour analyser, croiser, traiter et nettoyer ces données afin d’identifier les éléments qui peuvent conduire à l’échec ou à l’abandon… et tenter de prédire qui, dans la clientèle actuelle, a besoin d’une intervention spécialisée. Une application intelligente peut donc repérer, de manière précoce, les étudiants en difficulté afin que les professionnels qui les entourent puissent leur apporter les interventions pédagogiques individualisées qui répondent à leurs besoins.

Un tel modèle prédictif basé sur les données accélère, d’une part, les processus existants en évitant les compilations manuelles de données diverses et permet, d’autre part, d’agir beaucoup plus tôt auprès des étudiants à risque. Le consentement des étudiants est requis, mais la majorité adhère à l’utilisation de ces outils.

Comment l’intelligence artificielle peut-elle soutenir la réussite et la persévérance des étudiants?

Si vous le voulez bien, revenons à nos agents conversationnels! Au niveau de l’institution, pensons à un agent conversationnel alimenté par l’intelligence artificielle et spécialisé en soutien aux services à la communauté étudiante. Celui-ci pourrait être entrainé à informer les étudiants des services disponibles dans leur établissement : les différents outils et les différentes ressources, que ce soit sur le plan des admissions, de la bibliothèque, du soutien académique, de l’orientation professionnelle, du soutien technologique, de l’aide financière.

Un tel agent conversationnel permettrait aux étudiants de clavarder pour obtenir plusieurs informations générales, et ce, même en dehors des heures de travail… puis de communiquer avec les personnes humaines concernées pour obtenir les informations détaillées dont ils ont besoin.

Pensons à un autre exemple d’outil innovant présentement mis à l’essai au Québec. Il s’agit d’un agent conversationnel spécialisé en soutien psychosocial. Par une interface facilitant le dialogue, il échange et partage de l’information judicieusement préparée par une équipe clinique. Il propose des pistes de solution relatives aux services d’aide offerts dans l’institution d’enseignement. Cet outil permet à certains étudiants d’oser entrer en contact avec un intervenant qui, lui, sera en mesure d’intervenir de façon professionnelle et ciblée auprès d’eux.

Ainsi, l’intelligence artificielle se révèle un outil présentant plusieurs leviers de possibilités pour notre institution.

Terminons notre tour d’horizon, si vous le voulez bien, en évoquant les nombreuses possibilités qu’offre l’intelligence artificielle générative au niveau organisationnel, soit à des fins de gestion interne et d’administration.

Comment l’intelligence artificielle peut-elle optimiser les opérations?

Dans une institution d’enseignement supérieur, la plupart des corps d’emploi jonglent avec une bonne quantité de contenus textuels. Or, il s’avère que les applications d’intelligence artificielle générative sont particulièrement efficaces pour produire et analyser des contenus textuels, contribuant ainsi à accélérer le processus de rédaction.

L’intelligence artificielle générative pourra d’ailleurs générer des idées potentielles ou des suggestions. Dit autrement, elle contribuera à produire une ébauche initiale à bonifier pour des courriels, des rapports ou d’autres documents… évitant ainsi le syndrome de la page blanche.

Elle peut résumer des documents volumineux et complexes de manière concise, mettre en évidence les informations saillantes de façon à faciliter la lecture et l’assimilation des contenus importants, de même qu’évaluer la pertinence d’un document pour un projet particulier.

Elle peut aussi aider la communication multilingue en fournissant des outils de traduction efficaces.

Un outil d’intelligence artificielle générative peut aussi faciliter la programmation informatique de plusieurs manières : assistance à la programmation, correction des erreurs, génération et optimisation de code.

Plusieurs des exemples qui précèdent concernent la production de texte.

Cependant, il est à prévoir que les outils de génération d’images, de logos, de diaporamas, de musique, de vidéos vont s’implanter graduellement… soit dans des applications payantes ou à même les logiciels que nous utilisons déjà.

Outre la production de texte, l’intelligence artificielle pourra aussi être d’une précieuse aide pour manipuler des informations diverses et analyser d’énormes volumes de données… en prenant soin de ne pas partager de données personnelles, bien sûr!

Nous avons évoqué plus tôt l’analyse des performances des étudiants. À cela, on pourrait ajouter l’analyse de la rétention des étudiants afin d’identifier les facteurs qui l’améliorent.

Au niveau institutionnel, on pourrait utiliser l’intelligence artificielle pour dégager des pistes de réflexion et d’action. Pensons à l’analyse des préférences de cours et de programmes pour ainsi soutenir leur planification. Ou encore à l’analyse des tendances pour obtenir une meilleure prévision et gestion des effectifs, et ainsi orienter les décisions stratégiques de l’établissement.

Bien sûr, il faut être vigilant, car la plupart de ces tâches sont reliées à des documents qui contiennent beaucoup de données personnelles.

Que retenir de tout ça?

Le marché de l’intelligence artificielle en éducation a connu un taux de croissance de 77 % depuis 2018. Et on évalue que celui de l’intelligence artificielle générative devrait passer de 11 à 51 milliards de dollars entre 2023 et 2028.

L’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans le secteur de l’enseignement supérieur suscite donc un vif enthousiasme. Nous sommes nombreux à anticiper les possibilités qui verront le jour… tout en veillant à respecter des principes éthiques fondamentaux qui garantissent des décisions éducatives justes et équitables.

En effet, il est primordial de souligner que malgré l’impressionnante puissance des outils comme ChatGPT, ils ne peuvent pas se substituer à l’expertise humaine, à la compréhension approfondie et à l’analyse critique. L’UNESCO mentionne que les applications de l’intelligence artificielle en éducation doivent faire l’objet d’évaluations indépendantes et être encadrées. Il existe actuellement peu d’informations sur les effets de l’utilisation de l’intelligence artificielle sur l’apprentissage des étudiants (réussite, persévérance, réduction de l’abandon).

Les expérimentations qui seront conduites au cours des prochaines années permettront sans aucun doute d’obtenir un portrait plus précis des potentielles retombées sur l’apprentissage des étudiants.

Qu’en est-il des enjeux éthiques associés à l’intelligence artificielle, de l’intégrité intellectuelle et du plagiat? Des préoccupations concernant la vie privée et la protection des données personnelles? De l’émergence d’un cadre législatif? C’est ce que nous aborderons dans la prochaine capsule.